Chapitre 7 - Les quatre perles de Galdwinie

Chapitre 7 - Les quatre perles de Galdwinie
Sharon et Kathleen était de retour du Pays de Galles. Elles venaient de passer Perth et roulaient sur la charmante route sauvage qui conduisait à Galdwinie. La route déserte et tranquille permettait à Kathleen, qui conduisait, de penser à toutes les tâches qui les attendaient dans la paroisse de son amie.
— Il va falloir se retrousser les manches pour restaurer la Maison paroissiale. C'est dommage qu'après les travaux de réparation de la toiture entrepris l'année dernière, on laisse l'intérieur délabré. Si ton cousin n'avait pas fait l'imbécile, tu serais restée à Galdwinie pour tout organiser. Cela aurait été un beau projet pour les jeunes du village pendant l'été.
— J'aurai tellement aimé que Johan participe avec moi à ces travaux. S'il l'avait voulu, il aurait été pour nous une aide précieuse, répondit Sharon. J'ai l'impression que mes vacances ont été gâchées.
— Gâchées !! S’offusqua Kathleen. Tu oublies bien facilement ces six dernières semaines.
Peter, le fiancé de Kathleen, avait organisé des camps d'été à Glandwr au Pays de Galles. Dans leurs projets initiaux, seule Kathleen avait prévu de s'y rendre. Mais Sharon, profondément blessée par l'opposition violente de Johan à l'annonce de sa conversion, avait préféré accompagner son amie plutôt que de rester avec ses cousins chez Granny et Grand-Père. A travers leur témoignage et leur exemple, une dizaine de jeunes s'étaient convertis. Spirituellement, on ne pouvait pas dire que ce temps avait été inutile et stérile.
— Johan est vraiment capable de créer de la beauté, pensa Sharon tout haut.
Et voyant la moue dubitative de sa voisine, elle ajouta en montrant sa veste en laine d'une très belle facture :
— Ce pull, par exemple, c'est lui qui me la tricoté. Il me l'a offert en cadeau, à Noël dernier.
Kathleen ne put s’empêcher de pouffer. Devant le regard triste, mais interrogateur de son amie, elle lui dit :
— Excuse moi. Mais j'ai du mal à imaginer ton cousin misogyne, prétentieux, orgueilleux, imbu de lui-même et égocentrique en train de tricoter.
— Tu as fini, là ? demanda-t-elle agacée par l'énumération des défauts de son cousin qu'elle adorait.
— Franchement, je ne comprends pas du tout ce que tu peux bien lui trouver pour l'aimer à ce point.
— C'est que tu ne l'a pas vu comme je le vois, dit-elle doucement.
Mentalement, elle le revoyait portant noblement le tartan du clan MacPelt à la fête du village, lorsqu'il était venu en vacances chez Granny et Grand-Père, avec sa petite sœur Lisbeth, deux ans auparavant.
— De toute façon, tout ça, c'est du passé. Ils sont probablement déjà rentrés en France. Nous allons être en retard pour le repas, ajouta-t-elle en regardant sa montre.
Sharon repensait tristement au repas organisé dans des circonstances analogues par les jeunes en l'honneur des français au début de l'été et le refus de Johan à y participer.
Elles arrivèrent à Galdwinie à la tombée de la nuit. Comme elles étaient en retard, elles garèrent la voiture sur la petite place devant l'église et se dirigèrent vers la salle paroissiale, à l'intérieur de laquelle avait été dressée la table. Le temps incertain n'avait pas permis de s'installer dehors.
En entrant, leur surprise fut grande. L'intérieur de la Maison avait été complètement restauré, la grande salle entièrement repeinte. Les morceaux de bois qui bordaient la galerie et l'escalier avaient été remplacés par des balustres en chêne sculptés. Toutes les parties boisées avaient été cirées. Au petit palier marquant la séparation des deux volées de marches qui montaient à la galerie, deux magnifiques vitraux en Tiffany, captaient le reliquat de lumière du jour qui tombait. Ils étaient signés d'un M en forme de cœur avec une date : 08.1977. La volée de marches qui montait au palier sous les fenêtres était encadrée d'une double rampe merveilleusement sculptée. Un lustre imposant en fer forgé, pendu au centre de la pièce à la croisée des poutres maîtresses, éclairait la grande salle. Il était équipé de lampes électriques qui ressemblaient à des bougies.
Parmi les tableaux qui ornaient les murs, deux d'entre eux portaient la même signature caractéristique que les vitraux. L'un représentait le manoir, l'autre la tour de l'église. Sur tous les deux figuraient deux personnages se tenant par la main. Le premier était facile à reconnaître, il avait le visage et la tournure de Johan. Le second était une très jolie jeune femme.
Kathleen et Sharon étaient muettes d'étonnement et d'admiration. Lisbeth et Michael vinrent les embrasser. Johan, trop occupé à régler les derniers préparatifs de la soirée, dont il assurait manifestement la maîtrise d'ouvrage, n'avait pas encore pris conscience de leur arrivée. Perfectionniste, il effectuait sa tâche, attentif au moindre détail.
L'étonnement de Kathleen fut à son comble en voyant Megan s'accrocher fermement à la main de Johan. Ce fut pour elle comme une révélation quant à la signification du M de la signature du vitrail, jusque dans le jeu de mot francophone (M comme Megan, mais aussi phonétiquement M comme « aimer » en français). Ainsi ce garçon colérique qu'elle qualifiait tantôt d'égocentrique prétentieux était parvenu à fédérer les talents de tous ces jeunes pour achever les travaux projetés. Il avait réussi à pénétrer l'intelligence et à toucher le cœur de la petite autiste. Il avait pu discerner les talents de la petite fille pour lui faire réaliser au moins trois œuvres magnifiques qu'il avait su mettre en valeur.
— Comme c'est beau, s’exclama Sharon émue, au bord des larmes, résumant en trois mots ce que toutes deux ressentaient.
Lorsqu'elle les aperçut, la petite Megan lâcha la main de Johan et se précipita dans les bras de Kathleen pour l'embrasser. Et chose extraordinaire pour elle, elle la fixa de ses yeux habituellement éteints et se mis à parler :
— Moi aussi, je veux Jésus, dit-elle en lui montrant la croix en bois pendue au cou de Kathleen.
L’émotion submergea les deux jeunes filles qui se mirent à genoux à la hauteur de la petite fille. A l'exception des deux français, tous les assistants les imitèrent lorsque Kathleen commença la prière d'action de grâce pour la conversion de Megan en lui mettant sa croix autour du cou. Les jeunes entonnèrent alors un chant de louange.
Lisbeth, un peu désemparée par ces événements imprévus, rejoignit son frère qui était aussi resté debout. Johan était partagé. D'une part il était touché par l'émotion de Sharon à la vue du résultat de son travail. Mais d'autre part, il se sentait à nouveau non reconnu par le fait que ce résultat était attribué au Seigneur et non à lui. Une vague de colère monta à nouveau en lui. Mais il sut la maîtriser pour ne pas peiner ses amis. En cela, l'été lui avait fait faire de grands progrès.
Mais lorsque Sharon s'approcha de lui pour l'embrasser accompagnée de Megan, celle-ci lui tendit la croix.
— Toi aussi, semblait-elle dire.
Soupçonnant une manipulation de sa cousine, il repoussa la petite fille.
— Cette croix n'est pas pour moi, lui dit-il.
Sa réaction brisa net l'élan de Sharon qui crut qu'elle s'était encore fourvoyée sur les motivations de son cousin. Et elle en fut à nouveau profondément déçue. Elle s'éloigna pour rejoindre Kathleen. Mais la petite fille eu un geste singulier. Elle se jeta dans les bras de Johan et le serra très fort, trouvant ce moyen de lui mettre malgré tout sa croix, la croix de Jésus ressuscité, sur son cœur à lui.
Dans la suite de la soirée, le repas se déroula dans la joie. Pour le dessert, Johan avait passé une bonne partie de l'après-midi à confectionner de grandes tartes aux mirabelles avec l'aide de Sarah et de Lise. Lorsqu'il était enfant, son père avait ramené des plans de mirabelliers de Lorraine pour les planter dans le parc du manoir. Certains avaient survécu au rude climat écossais et cette année les grappes de fruits dont les branches étaient exceptionnellement chargées lui avaient donné cette idée. Il adorait faire de la pâtisserie et par gourmandise, la manger.
Pourtant depuis le retour de Sharon et Kathleen, après ce qui s'était passé avant le repas, il se trouvait à nouveau étranger, au milieu de tout ces gens, laissé pour compte. Il quitta le repas discrètement pour rentrer au manoir. Le Père Kenneth, présent, n'avait rien perdu de ce qui s'était passé depuis le début de la soirée. Ne pouvant laisser partir Johan comme cela, il sortit à sa poursuite.
— Johan, appela-t-il.
— Qui-a-t-il ? demanda le jeune homme. Il craignait la lucidité investigatrice du prêtre.
— Connais-tu le crest de ta famille ?
— Oui, trois épées plantées en terre au pied d'un cèdre avec comme devise Ad Aeternam.
— Et en connais-tu la signification ?
— ...
— L'épée plantée en terre est un signe de paix. Les trois épées sont disposées comme les trois croix du calvaire, rappelant la paix de Dieu pour les hommes, obtenue par la mort et la résurrection de Jésus. Les trois croix rappellent aussi que, sur les deux brigands qui ont été crucifiés avec Jésus, l'un, malgré ses crimes, a été le premier homme à être avec lui au paradis (Luc 23:43), mais que l'autre a refusé cette paix qui lui était offerte gratuitement. Ce qui indique qu'il est de la responsabilité de l'homme d'accepter ou de refuser la paix du Seigneur qui est offerte à tous. Le cèdre est un signe de longévité, d'éternité confirmé par la devise que l'on peut traduire en français par « à jamais ».
— Pourquoi me racontez-vous cela, mon Père ?
— Parce-que deux fois, déjà, depuis le début de l'été, je t'ai vu refuser cette paix à ta cousine et à son amie.
— Sharon m'a trahi.
— Parce qu’elle a décidé de donner la priorité au Seigneur ? Elle éprouve un grand amour pour toi, même si ce n'est pas celui que tu espérais. Toi, tu prétends l'aimer de toute ton âme, et pourtant ces deux fois tu lui as brisé le cœur.
— Pourquoi me dites-vous tout cela ? demanda à nouveau Johan.
— Parce que je crains que, dans ton orgueil, tu n'envisages d'infliger à ta cousine et son amie un affront public en ne l'invitant pas à ouvrir le bal à la fête de demain.
L a perspicacité du prêtre pris Johan de cours. Comment avait-il pu deviner son intention ? Et d'abord, de quoi se mêle-t-il ? Il avait même envisagé de ne pas aller à la fête du tout.
— Ne pas aller à la fête, continua le prêtre, ce serait comme laisser une moisissure indélébile aux yeux de tous ces jeunes, sur l'œuvre merveilleuse que tu as accomplie pendant tes vacances.
— Quelle importance cela a-t-il ? Eux non plus ne m'apprécient guère.
— Tu te trompes. Cet été restera, grâce à toi, probablement l'un des meilleurs souvenirs de leur vie. Quant à la fête, y aller en refusant la paix de Sharon et de Kathleen, c'est renier ton propre clan, qui, il y a des siècles s'est rangé sous la paix de Dieu pour l'éternité.
— J'y réfléchirai, mon Père, dit Johan pour clore le débat dont il n’appréciait pas du tout la tournure.
Johan se dirigea vers le manoir, tandis que le prêtre retournait rejoindre les autres dans la grande salle de la Maison paroissiale. En arrivant, il tomba sur Grand-Père qui allait monter se coucher. Il l'informa de l'arrivée de Sharon et de Kathleen. Celui-ci entraîna son petit-fils dans son bureau. Devant le silence méditatif de son grand-père, il lui demanda :
— A quoi penses-tu, Grand-Père ?
— Je suis fier de mes petits-enfants. L'un dans l'autre, cet été, avec Dieu, vous avez tous les quatre accompli des exploits (Psaume 60:14).
— Oh ! Avec Dieu ! En ce qui me concerne...
— Je n'arrive pas à croire que tu n'as pas perçu tous les petits signes, tous les clins Dieu de ces vacances, l'interrompit Grand-Père utilisant le français pour le jeu de mot.
— Par exemple ?
— Au risque de te décevoir, je crois qu'il est nécessaire que tu les découvres tout seul. Mais pour te mettre sur la voie, je vais te poser une question : as-tu déjà lu l’épître de Saint-Paul aux Corinthiens ? Il y parle des dons du Saint-Esprit (I-Corinthiens 12:7-10).
— Oh ! Assez avec ça. Tu ne vas pas me jouer ta Kathleen avec sa Bible.
— Justement, prenons Kathleen, elle a la sagesse, la connaissance et la bienveillance. Quant à ta cousine Sharon, elle est douée d'une grande empathie pour les autres. C'est cette capacité à aimer que tu cherches à t’approprier. Et elle a vraiment un grand talent de prédicateur. L'as-tu déjà entendu donner son témoignage ?
Il repensa au témoignage de Sharon dans la voiture et tout ce qui s'en était suivi. Tout à coup mal à l'aise, il se mit sur la défensive et lança :
— Comme c'est bête. Ce sont des filles, dit-il pour plaisanter, il n'y a pas de prêtre femme dans l'église. Dieu s'est foutrement gouré sur ce coup là. Et si je ne m'abuse, dans cette même épître, Saint-Paul commande aux femmes de se taire (I-Corinthiens 14:34-35).
— Je me doutais que tu l'avais lue. D'autant qu'elle contient aussi un passage sur le mariage (I-Corinthiens 7) et un autre sur l'amour (I-Corinthiens 13) qui ont dû foutrement, comme tu dis, t'édifier sur la nature de ta relation avec Sharon, renchérit Grand-Père.
— Et Michael ?
— Lui il a la foi. Il croit, sans se poser de question. Contrairement à toi, il voit le doigt de Dieu partout. Ce qui lui donne un grand pouvoir, celui de déplacer les montagnes (Matthieu 21:21-22).
— Pourtant il a prié pour moi pour que je me convertisse, comme il dit, et que j'obtienne le pardon de Sharon, sans succès.
— Malgré tout, tu as accomplis des exploits cet été, comme il l'a également prié. En ce qui concerne ta conversion, si ce n'est pas maintenant, ce sera pour plus tard. Quand tu te sauverais jusqu'aux extrémités de la mer, le Seigneur saura te tendre la main pour t'empoigner (Psaume 139:9-10). Quant au pardon de Sharon, qu'en sais-tu ? J'ai foi en la puissance de son amour pour toi. Peut-être suffirait-il d'ailleurs que toi, tu acceptes son pardon.
— Et Lise ? Elle n'est pas chrétienne au sens que donnent Kathleen et Sharon.
— Je suis heureux qu'elle ait choisi la médecine. Ne t'es-tu jamais interrogé sur la facilité avec laquelle elle apaise et soulage la souffrance des autres ? En cela elle ressemble beaucoup à Granny, bien que physiquement elle ait hérité de la merveilleuse beauté de ta maman. Lorsque qu'elle sera prête à suivre le Seigneur, elle pourra accomplir des miracles.
— Et pour rester dans le même paradigme, quel est mon don, à moi ?
Grand-Père sourit en entendant son petit-fils oser utiliser ce mot savant. Et après avoir réfléchi un instant, il lui répondit :
— Pour toi, ils sont nombreux, même si tu ne t'en rends pas compte, car tu t'en attribues égoïstement tout le mérite, au lieu de les regarder comme des cadeaux de Dieu. Mais je dirais, avec ce que j'ai pu observer cet été, que tu as le don du discernement et de la prophétie.
— Mais je ne suis pas capable de prédire l'avenir. Si j'en étais capable, je me ferai une fortune.
— Tu te méprends sur le sens de ce mot. Le prophète, c'est celui qui parle au nom de Dieu. Encore faut-il qu'il ait une attitude d'écoute et d’obéissance pour transmettre Sa Parole. Et, par malheur pour toi, tu en es encore loin.
— Il n'y a donc aucune chance pour moi. Je suis maudit ?
— Au contraire, jusqu'à ton dernier souffle, tu auras toutes tes chances. Et je pense que cet été, tu as considérablement progressé. Allons ! Montons nous coucher.
*
* * *
*
La soirée achevée, lorsqu'elle revint au Manoir avec Lisbeth et Michael, Kathleen ressentit le besoin d'aller se confier à Granny. Elle monta et frappa doucement à la porte de la chambre de la vieille dame en espérant que celle-ci serait encore éveillée.
— Entre, ma fille, j'espérais ta visite.
— Vous saviez que j'allais venir ?
— Ce que tu as vu, à la Maison paroissiale a du te troubler, répondit-elle en guise d'explication.
— Je me suis lourdement trompée sur Johan. Il a accompli un travail admirable. Comme dit Sharon, il est vraiment capable de créer de la beauté.
— C'est ce qui te trouble à ce point ?
— J'ai pensé qu'il était sans Dieu et pourtant il a réussi là où j'ai échoué. La petite Megan vient d'accepter le Seigneur.
— Certes, heureusement pour lui, il n'est pas sans Dieu. Mais il ne Lui a pas encore donné la première place. Mais dit moi, vers qui est allée Megan pour demander à suivre Jésus ?
— Vers moi, admit Kathleen.
— Même en ce qui concerne les desseins de Dieu, notre orgueil humain nous incite à nous glorifier. Personne ne peut ni ne doit revendiquer d'être, à lui seul, la chaîne qui permet de mener quelqu'un au Seigneur. La chaîne peut être, ou plutôt doit être, composée de nombreux chaînons. Par contre lorsqu'un chaînon manque, la chaîne est brisée. Johan et toi avez été des maillons de la chaîne de Megan. Et Sharon, Megan et toi, vous êtes des maillons de la chaîne de Johan.
— Et bien justement, en ce qui concerne Johan, j'ai bien peur de n'avoir pas du tout fait ce qu'il fallait. J'ai manqué d'amour à son égard. J'ai passé toutes les occasions avec lui à montrer ses défauts à Sharon. Ce soir, en arrivant, je l'ai vu heureux, en train de se dévouer dans la Maison. Mais quand il nous a vues arriver, Sharon et moi, il s'est à nouveau isolé, renfermé. Et il est parti. J'ai l'impression qu'il me déteste.
— Tu es pourtant l'une des quatre jeunes filles qui comptent le plus pour lui.
— Quatre filles ! s'exclama Kathleen. Mais c'est un véritable cœur d'artichaut, votre petit-fils français. Et qui sont les deux autres ? demanda-t-elle. Car Sharon en fait partie, je suppose.
— Ne plaisante pas avec ça. Car sans s'en rendre compte, il a besoin de votre amour, tel que le décrit Saint-Paul (I Corinthiens 13:4-7), et de vous aimer toutes les quatre pour progresser, puis pour trouver la future Lady de Galdwinie.
— Alors ces quatre jeunes filles ...
— La première est Megan, car avec elle, il a trouvé quelqu'un qui met en lui toute sa confiance et pour qui il peut se dévouer. La seconde, c'est toi Kathleen, en qui il admire une femme qui aime le Seigneur et qui se dévoue à Son service avec bonté et bienveillance. Son malaise à ton égard vient de ce qu'il pense ne pas mériter ton amitié. La troisième est Sharon, chez qui il trouve un amour inconditionnel malgré ses défauts et pour qui il était prêt à engager sa vie entière.
— Et la quatrième ?
— La quatrième est sa petite sœur Lisbeth, chez qui il trouve quelqu'un capable de le soulager et de l'apaiser lorsqu'il est tourmenté et dont il admire aussi la merveilleuse beauté qu'elle a hérité de sa maman. Laisse-moi te montrer quelque chose.
Granny se leva et alla chercher quatre portraits dans un carton à dessin. C'étaient les portraits des quatre jeunes filles, dessinés au fusain, à la craie et à la sanguine, selon la méthode dite des trois crayons. L'artiste qui les avait exécutés, avait su exprimer leur caractère propre comme Granny venait de les décrire. Chacune d'elle portait aux oreilles un merveilleux bijou adapté à la morphologie de son visage.
— S'il attend de trouver cette perfection que nous représentons toutes les quatre, votre petit-fils risque fort de rester célibataire, plaisanta Kathleen. C'est Megan qui les a dessinés, n'est-ce pas ? demanda elle en reconnaissant le M en cœur de la signature de la petite fille.
— Oui ! Cette petite est visionnaire. Elle les a dessinés pour Johan. As-tu observé les deux tableaux qu'elle a peints, dans la grande salle de la Maison Paroissiale ?
— Vous me posez la question à cause de la personne qui figure avec Johan sur ces tableaux ? Mais c'est Megan, évidement.
— Pas si évident. Grand-Père est persuadé que c'est toi. Lisbeth est persuadée qu'il s'agit de Sharon et Michael que c'est Lisbeth. Megan y a dessiné celle que Dieu destine à Johan et elle a des traits de ressemblance avec vous quatre.
— Et d'où viennent ces bijoux ? Personnellement je n'ai jamais possédé une telle merveille.
— Heureusement que tu m'y fais penser. Il faut que tu remettes ceci à Sharon. C'est un marque-page que Johan a fabriqué pour elle. Il y a mis beaucoup d'amour. Je le lui ai ôté au début de l'été alors qu'il voulait le détruire. Il est temps que cet objet rejoigne sa destinataire.
Le marque-page était tissé de fils de soie rose et d'or, agrémenté de perles minuscules en or également. Avec le marque-page, Granny avait tendu un petit écrin contenant les boucles d'oreille du portrait de Sharon. Leur facture rappelait celle du marque-page.
— C'est Johan qui a fabriqué les boucles d'oreilles ? demanda Kathleen.
— Non, répondit Granny. Ceci est l'œuvre de Megan. Johan lui a montré, ou plutôt elle a appris de Johan la technique de base. Mais ceci est bien le fruit de la force créatrice de la petite fille.
Comme Kathleen allait sortir. Granny lui tendit un autre écrin.
— Attends, petite. Je n'ai pas terminé. Ceci est pour toi.
Kathleen ouvrit la boite. Celle-ci contenait les boucles qui figuraient sur son portrait. Elle examina les pierres qui en ornaient le centre.
— Mais ce sont des rubis. Cela représente une fortune.
— Émeraudes et soie verte pale pour Megan, Rubis et soie blanche pour Kathleen, Diamants et soie rose pour Sharon, Saphirs et soie bleu ciel pour Lisbeth. J'ai envoyé les portraits et les boucles fabriquées par Megan à mon bijoutier pour qu'il remplace les perles de résines qui en ornaient le centre par de vraies pierres. Vous êtes les quatre pierres précieuses de ce village.
Granny faisait allusion à l'hymne du village : « Les Quatre Perles de Galdwinie ».
— D'où viennent ces pierres ?
— C'est mon fils Darren, le père de Sharon et de Michael qui me les a rapportées de ses voyages. Attends, ce n'est pas tout. Grand-Père et moi souhaitons que demain, tu portes, toi aussi, le tartan de notre famille, ajouta Granny en lui confiant le sash, l'écharpe aux couleurs du clan et la broche de vermeil gravée du crest des MacPelt.
Cette attention du Laird et de la Lady de Galdwinie était significative. Il s'agissait, en quelque sorte de l'adoption de Kathleen par le clan.
— Et Megan ? demanda Kathleen qui s'inquiétait que la fillette ne se sente écartée.
— Les MacSaor sont l'un des septs du clan MacPelt. Ce tartan est le sien par la naissance.
Kathleen embrassa la vieille dame et sortit. Avant d'entrer dans sa chambre, elle passa chez Sharon pour lui remettre les présents que lui avait confiés Granny.
— Tu n'es plus que la troisième dans le cœur de ton charmant cousin, commença Kathleen.
— C'est Granny qui te l'a dit ? Et qui sont mes deux rivales ? demanda Sharon.
— Megan et ta servante, Haute et Puissante Dame de Galdwinie, plaisanta-elle en lui faisant une révérence en arborant l'écharpe et la broche aux armes des MacPelt. Trêve de plaisanterie, voici un cadeau de Johan et un autre de Megan, en tendant le marque-page et l'écrin qui contenait les boucles d'oreilles destinées à son amie et en lui montrant celles qui lui était destinées à elle.
— Il y a de grands artistes à Galdwinie. Et c'est Johan qui a contribué à les révéler, dit Sharon fièrement. As-tu remarqué la balustrade de l'escalier ? Tu ne devineras jamais qui l'a façonnée.
— Le charpentier, le père de Megan, je suppose.
— Non ! C'est Kyle. Il va faire son apprentissage chez le père de Megan justement. Et à en juger par ce qu'il est déjà capable de faire, son apprentissage est bien avancé.
— Kyle MacGowan ? Mais on n'a jamais rien pu tirer de ce garçon.
— Oui ! Kyle, le fils de MacGobha le forgeron. Johan a su trouver ce qu'il lui fallait. De plus, je soupçonne Kyle d'être amoureux de Megan.
— Décidément, ton cousin est quelqu'un de pas banal. Il possède le discernement de ton Grand-Père. Veux-tu que nous priions ensemble, car après ce que je viens de vivre aujourd'hui, j'ai le cœur qui déborde. Il y a de quoi passer la nuit en actions de grâce.
Elles se mirent à prier, pour louer le Seigneur pour toutes les merveilles qui s'étaient accomplies pendant l'été, pour Johan, pour qu'il devienne un disciple de Jésus et pour la fête du lendemain, pour que tout se passe à Sa gloire.
— Nous te demandons tout cela, par le Nom de Jésus, Amen ! conclurent les deux jeunes filles avant de se séparer.

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